La tomme vaudoise, un trésor fromager de la région à savourer

La tomme vaudoise, un trésor fromager de la région à savourer

Dans le Jura vaudois, entre forêts d’épicéas, pâturages vallonnés et chalets fumants, certaines traditions ont le goût franc du terroir. C’est le cas de la tomme vaudoise. Petit fromage au lait cru de vache, elle n’a rien de prétentieux, mais son authenticité en fait l’une des perles discrètes de la fromagerie artisanale suisse. Elle ne cherche pas à rivaliser en puissance avec une tête de moine ni en notoriété avec le gruyère, mais pose tranquillement sa pâte crémeuse sur nos planches d’apéritif et nos tartines des beaux jours. Focus sur un fromage qui mérite plus qu’un simple détour chez le fromager.

Un fromage de tradition et de patience

La tomme vaudoise est produite principalement dans les régions de La Côte, du Pied du Jura et de la Broye vaudoise. Elle est élaborée à partir de lait cru de vache, sans additifs, ni ferments industriels. Sa forme ronde et plate, d’environ 7 à 10 centimètres de diamètre pour 2 à 3 centimètres d’épaisseur, cache une pâte souple à molette peu pressée, souvent légèrement crayeuse au cœur quand elle est jeune et plus onctueuse après quelques jours.

Ce fromage à croûte fine et blanche s’affine rapidement. Quelques jours suffisent pour qu’il prenne les caractéristiques qui le distinguent : une légère odeur de cave, des notes lactiques fines et une texture fondante qui colle parfois au couteau. Son affinage court – rarement plus de 15 jours – permet une consommation très fraîche tout en préservant les arômes subtils du lait cru.

Une fabrication artisanale locale

Je me suis rendu chez un petit fromager à Apples, dans le district de Morges, qui continue la fabrication traditionnelle de la tomme vaudoise selon des méthodes artisanales. Le lait provient d’un rayon de moins de 10 kilomètres, essentiellement de fermes familiales. La traite du matin est utilisée en l’état, sans pasteurisation. “Nous respectons le lait”, me dit-il en brassant la cuve manuellement, “et c’est en le traitant avec lenteur qu’il nous le rend.”

Le caillé est ensuite moulé à la louche, dans des petits cercles posés à la main. Aucun automatisme ici. Une fois démoulées, les tommes sont salées à sec, puis entreposées dans une cave humide où elles peuvent développer leur fine croûte blanche naturellement. Quelques heures à peine après le moulage, les fromages commencent déjà à révéler leur personnalité. “Chaque tomme est un individu,” dit le fromager avec un sourire en coin. “On voit vite, en fonction de la saison ou du pré d’où vient le lait, des variations subtiles de couleur et de goût.”

Une dégustation toute en finesse

Autant le dire d’entrée : on est loin ici des fromages puissants et corsés. La tomme vaudoise séduit par sa douceur et sa fraîcheur. Elle se prête à plusieurs dégustations selon l’état d’affinage :

  • Jeune : encore légèrement crayeuse, elle a une saveur lactée fraîche, presque yaourtée, idéale avec une tranche de pain au levain ou quelques feuilles de salade verte.
  • Affinée : après 7 à 10 jours, la pâte devient plus moelleuse, plus fleurie également, avec une respirabilité plus marquée. C’est à ce stade qu’elle se marie parfaitement avec un verre de chasselas du Lavaux ou un vin blanc du Vully.
  • Très affinée : certains amateurs la laissent maturer jusqu’à 15-20 jours pour en tirer une complexité insoupçonnée. Saveurs légèrement champignonnées, texture plus coulante sous croûte, elle devient alors le clou d’un apéritif rustique ou d’une planche vaudoise.

Au Marché de Morges, j’ai croisé Marie-Christine, une habituée qui achète sa tomme chaque samedi matin : “Je la prends à peine faite pour la laisser vieillir deux ou trois jours dans mon frigo à l’envers, sur un lit de papier absorbant. Elle est parfaite pour mes tartines du soir.” Une astuce toute simple mais révélatrice d’un savoir-faire populaire qui se transmet de bouche à oreille.

Des accords et usages simples mais variés

La tomme vaudoise se suffit à elle-même, certes, mais elle se prête aussi à des associations pleines de simplicité :

  • Avec des fruits secs : noix, noisettes ou figues séchées font ressortir son côté crémeux.
  • Sur une tranche de pain poêlée : quelques minutes au four ou à la poêle, elle fond doucement pour garnir une tartine rustique.
  • Dans une salade composée : découpée en petits cubes et mélangée à de la roquette, des tomates cerises et un filet de vinaigre balsamique, elle ajoute gourmandise et rondeur.

En hiver, certains la glissent même dans une soupe de courge ou sur des pommes de terre tièdes pour remplacer une raclette en version allégée.

Un terroir à préserver

Produite en petite quantité, la tomme vaudoise n’a pas encore de label AOP, même si des démarches sont en cours pour mieux encadrer sa production traditionnelle. Ce fromage n’est pas industrialisé à grande échelle, ce qui garantit sa qualité. Mais cela le rend aussi vulnérable, face à des modes de consommation qui valorisent parfois plus le packaging que l’origine du produit.

De plus en plus d’initiatives locales – marchés paysans, AMAP, restaurants de terroir – intègrent la tomme vaudoise à leur offre. C’est le cas de certains restaurants de la région comme La Couronne à Yverdon ou le Café du Nord à Bière, qui proposent des planches de fromages exclusivement composées de productions vaudoises, dont la tomme fait souvent partie.

Le goût ne suffit pas. Il faut comprendre, appuyer et consommer ces produits pour qu’ils perdurent. Acheter une tomme vaudoise au marché ou directement chez le producteur, c’est faire vivre un savoir-faire, des familles, une manière de faire propre à une région.

Où la trouver ?

Voici quelques adresses recommandées pour acheter une tomme vaudoise authentique :

  • Fromagerie Moléson à Echallens : fabrication artisanale et vente directe, avec conseils et choix de degré d’affinage.
  • Marché du samedi à Morges : nombreux producteurs locaux proposent leur tomme fraîche ou affinée.
  • La Maison du Terroir à Apples : petit magasin regroupant des produits du Pied du Jura.

Et si vous passez dans la région pendant l’été, plusieurs événements mettent en avant les produits du terroir, notamment la Fête du Fromage à Château-d’Oex ou les marchés gourmands de Nyon. L’occasion de goûter, comparer, et se laisser surprendre.

Un morceau de pays dans l’assiette

Rien de tape-à-l’œil dans une tomme vaudoise. Pas de marketing criard, pas de formes extravagantes. Juste un petit cylindre blanc, presque effacé, qu’on pourrait oublier dans une grande vitrine. Et pourtant, à la coupe, elle révèle ce que le Jura fait de mieux : simplicité, authenticité et goût assumé.

Elle s’inscrit dans cette continuité de produits fermiers qui font le lien entre nos paysages, nos bêtes et nos savoir-faire. Elle est l’exemple parfait d’un terroir qui ne cherche pas à briller, mais à durer.

Alors, la prochaine fois que vous parcourez les étals du marché ou que vous cassez la croûte sur un banc de randonnée, pensez-y. Dans ce petit fromage blanc, il y a toute une région qui se raconte… en bouchées.