Quand les raquettes remplacent les skis : explorer le Suchet autrement
Au cœur de l’hiver, quand la Dent de Vaulion blanchit et que les routes serpentent sous une couche immaculée, le massif du Suchet devient un paradis pour les amateurs de raquettes. Moins fréquentées que les pistes de ski, ces balades permettent de découvrir un Jura vaudois plus sauvage, silencieux, presque méditatif. Et s’il y a bien un endroit où ce calme hivernal se savoure pleinement, c’est autour du Suchet.
Dans cet article, je vous propose une sélection de balades en raquettes accessibles, parfois plus sportives, mais toujours riches en découvertes. Des itinéraires que j’ai testés récemment, raquettes bien attachées, thermos dans le sac, et appareils photo toujours à portée de main.
Accès et conditions : ce qu’il faut savoir avant de partir
Le Suchet (1 588 m), situé entre Baulmes et Vallorbe, est l’un des sommets emblématiques du Jura vaudois. Quand la neige s’installe, plusieurs accès restent praticables, mais mieux vaut s’informer des conditions d’enneigement et consulter les bulletins de sécurité. Le site de MétéoSuisse ou celui de Jura Rando sont de bons réflexes en préparation.
Du point de vue logistique, les départs les plus courants pour les balades en raquettes se situent :
- Depuis le parking du Mont d’Orzeires, juste après Vallorbe
- Depuis la Côte-aux-Fées, pour une approche par le versant neuchâtelois
- Ou encore depuis le col de l’Aiguillon, accessible depuis Baulmes
En période de neige fraîche, attention : les chemins ne sont pas toujours balisés. Une trace GPS ou une carte détaillée (par exemple Swisstopo, version hiver) est utile, surtout par mauvais temps. Les raquettes avec crampons intégrés sont recommandées, notamment sur les pentes orientées plein nord qui gardent facilement une glace traîtresse.
La classique : boucle du Suchet depuis le col de l’Aiguillon
C’est l’un des itinéraires les plus appréciés, notamment quand le ciel est dégagé. Depuis le col de l’Aiguillon (1 293 m), la montée suit un chemin forestier doux avant de s’ouvrir progressivement sur les pâturages alpins. En hiver, le silence y est total, ponctué parfois seulement par le crissement des raquettes ou le hululement d’une chouette.
Le sentier grimpe en direction du refuge du Suchet, qui reste fermé durant l’hiver mais offre un beau point de pause. De là, le sommet est à une vingtaine de minutes d’effort supplémentaire. Par beau temps, la vue y est remarquable : Alpes bernoises à l’est, massif du Mont Blanc au sud, et bien sûr tout le Jura français déroulé à vos pieds.
Données pratiques :
- Durée : 3h30 aller-retour
- Dénivelé : +350 m
- Difficulté : moyenne
- Remarques : attention au vent sur la crête, souvent bien exposée
L’alternative tranquille : la balade de la Combe des Amburnex
Au départ du chalet de la Ronde Noire (accessible en voiture selon les conditions), cette randonnée suit une large combe peu fréquentée. Ici, on longe de vieilles clôtures, quelques sapins isolés, et des dolines recouvertes de neige. C’est une zone parfaite pour les amateurs de paysages paisibles et les amateurs d’animaux : j’y ai déjà croisé traces de chevreuils, renards et même, un jour, une harde de chamois surpris dans un repli du versant sud.
Le relief modéré et l’absence de danger rendent cet itinéraire idéal pour une sortie en famille ou pour une première initiation aux raquettes.
Données pratiques :
- Durée : env. 2h
- Dénivelé : +150 m
- Difficulté : facile
- Remarques : parfaite pour une sortie avec enfants ou débutants
Itinéraire plus engagé : crêtes du Suchet par la chaîne de la Vuarrensaz
Pour les marcheurs plus aguerris à la recherche de solitude et de panoramas saisissants, le parcours qui suit la crête depuis la chaîne de la Vuarrensaz jusqu’au Suchet offre une alternative sportive. Le départ se fait souvent depuis la ferme des Gélinottes (accès à vérifier en hiver).
Le sentier (non officiel), souvent à peine visible, serpente en montée progressive sur les crêtes. Il nécessite une bonne lecture du terrain et un sens de l’orientation affuté. Les moments de contemplation se méritent : j’ai notamment eu le plaisir, au sommet, d’assister à un lever de soleil où les Alpes émergent lentement au-dessus de la mer de nuages. C’est le genre d’instants suspendus qui restent gravés longtemps.
Données pratiques :
- Durée : 4h30 aller-retour (plus selon les conditions)
- Dénivelé : +600 m
- Difficulté : difficile, pour randonneurs expérimentés
- Remarques : usage de GPS ou d’une boussole recommandé
Balade au coucher du soleil : boucle de Bellevue
Plus courte et accessible, cette boucle au départ du refuge du Sollier permet de combiner plaisir des raquettes et observation des teintes changeantes du ciel. Une portion traverse un pré dégagé offrant un panorama à 180° sur les Alpes et les crêtes du Suchet. Idéale pour une sortie en fin de journée, avec frontale dans le sac pour le retour.
C’est une sortie que j’aime proposer à des amis en visite : effort modéré, paysages variés, et ambiance unique lorsque la lumière décroit et que le froid s’intensifie légèrement. Il est prudent de démarrer la balade au plus tard 1h30 avant le coucher du soleil.
Données pratiques :
- Durée : 1h30
- Dénivelé : +100 m
- Difficulté : facile
- Remarques : frontale et vêtements chauds indispensables
Quelques conseils pour profiter pleinement de votre sortie
Partir en raquettes, surtout en dehors des itinéraires balisés, demande quelques précautions :
- Carte et orientation : emportez une carte papier ou GPS. Les épais brouillards du Jura peuvent rendre l’orientation difficile.
- Météo : les vents venus du nord-ouest peuvent rendre certaines crêtes périlleuses. Mieux vaut toujours vérifier la météo locale le jour même.
- Équipement adéquat : raquettes avec crampons, bâtons télescopiques, gants étanches, bonnet, et des vêtements superposables.
- Collation et hydratation : même en hiver, le corps consomme beaucoup d’énergie. Prévoyez des barres, des fruits secs, et une boisson chaude.
- Respect : faune et zones protégées : ne jamais s’écarter des sentiers dans les secteurs sensibles, en particulier à l’orée des forêts ou dans les réserves naturelles.
Un hiver au rythme lent et au souffle court
Explorer les pentes du Suchet en raquettes change notre rapport au paysage. On prend le temps, on écoute les bruits du vent dans la neige, on sent l’effort dans les jambes. Mais surtout, on redécouvre un coin de Jura souvent associé à l’été, sous un jour nouveau, plus discret et pourtant profondément vivant.
Chaque sortie en raquettes dans ce secteur offre une promesse simple : celle de s’éloigner un moment du tumulte quotidien et de reprendre contact avec un rythme plus lent, celui de la marche, du souffle et de l’attention au monde qui nous entoure. N’est-ce pas là une belle définition de l’hiver dans nos montagnes ?
