Le mont d'or

Les traditions de la bénichon revisitées par les jeunes du village dynamisent l’héritage local

Les traditions de la bénichon revisitées par les jeunes du village dynamisent l’héritage local

Les traditions de la bénichon revisitées par les jeunes du village dynamisent l’héritage local

Une tradition séculaire sous un nouveau jour

Chaque automne, dès que les premières feuilles commencent à roussir dans les villages du Jura vaudois, une odeur de poires à Botzi, de ragoût d’agneau et de moutarde de Bénichon imprègne l’air. La bénichon, fête traditionnelle rurale marquée par des repas copieux et des moments communautaires forts, fait encore battre le cœur de nombreuses communes. Mais ces dernières années, un vent de renouveau souffle sur cette coutume. Ce sont les jeunes du village qui s’en emparent, la revisitent à leur manière et, ce faisant, contribuent à en assurer la pérennité.

Une fête paysanne, entre gastronomie et mémoire vivante

À l’origine, la bénichon marquait la fin des récoltes d’été et la rentrée du bétail à l’étable après l’estivage. C’était un moment de reconnaissance au bon déroulement de la saison agricole, souvent relié à des offices religieux. On partait sur plusieurs jours de festivités, avec des activités communautaires et, surtout, un menu bien spécifique et abondant.

Dans les foyers comme dans les salles communales, on retrouvait la fameuse cuchaule au safran, la moutarde douce, la soupe de choux, le jambon, les gigots d’agneau, les haricots, le gratin et les desserts maison. Le tout arrosé, bien entendu, d’un peu de vin local ou d’un chasselas pétillant. Ces mets étaient préparés par les familles ou les associations du village, souvent selon des recettes transmises oralement à travers les générations.

Une nouvelle génération en action

Dans plusieurs communes du canton de Vaud, la bénichon aurait pu peu à peu sombrer dans l’oubli. Moins de participation, un certain essoufflement dans l’organisation, des formats trop figés… Mais c’était sans compter sur une jeunesse locale motivée à remettre ces traditions au goût du jour. C’est ce qu’on a constaté dernièrement dans les villages comme Sainte-Croix, Bullet ou encore Vuiteboeuf, où de jeunes bénévoles et apprentis-festivaliers ont décidé de prendre la relève à leur manière.

Leur objectif ? Faire vivre l’esprit de la bénichon tout en le réinterprétant avec des codes plus actuels. Comment ? En jouant sur plusieurs leviers :

Le résultat est là : un public intergénérationnel, des salles pleines et des conversations animées autour de la table. Avec, en toile de fond, la transmission continue d’un patrimoine local bien vivant.

Exemple concret à L’Auberson

Nous avons assisté à la bénichon 2023 à L’Auberson, petit village d’altitude du Jura vaudois. Le comité jeunes, créé il y a trois ans, a totalement remodelé l’événement tout en restant fidèle à ses racines. Dans la cantine dressée pour l’occasion, le menu mêlait tradition et créativité : velouté de courge au Vacherin Mont-d’Or, effiloché de bœuf à la bière brune d’Orbe, et faisselle au miel d’épice pour finir.

Plusieurs producteurs locaux étaient présents, des agriculteurs aux brasseurs en passant par un couple récemment installé, qui propose des pâtes fraîches à base de céréales anciennes cultivées sur Vaulion.

Côté animation, les enfants participaient à des ateliers de fabrication de moutarde maison, et en fin d’après-midi, c’est un groupe de musique folk – formé en partie d’habitants du village – qui jouait des reprises de chansons suisses revisitées avec humour.

Ce qu’on retient surtout, c’est l’ambiance bon enfant et le mélange des générations. Ici, les anciens y retrouvent les gestes d’autrefois; les plus jeunes, un terrain d’expression convivial et local. “C’est une fête de village, pas un musée”, glissait un des organisateurs, Étienne, 23 ans, entre deux tournées de plats.

Rapprocher les habitants par l’assiette et l’histoire

Ce renouveau de la bénichon s’inscrit aussi dans un élan plus large de reterritorialisation des fêtes populaires. En redonnant du sens à une tradition ancienne, ces jeunes créateurs d’événements contribuent à renforcer l’identité locale des villages. La mémoire collective s’active, les anecdotes fusent entre les anciens – “Tu te souviens du cochon embroché de 1982 ?” – et les nouveaux venus trouvent eux aussi leur place dans le récit commun.

Certains jeunes vont même plus loin. À Cuarnens, un groupe de collégiens a entrepris cette année un projet scolaire sur la bénichon. Ils ont récolté les témoignages des anciens, filmé les gestes de préparation des plats, et réalisé une mini-exposition présentée lors de la fête. Une manière de relier pédagogie, traditions et lien social.

Ce que ça change concrètement pour les villages

Au-delà de la chaleur humaine et du plaisir de la table, le regain de ces événements a aussi des effets très pratiques :

Autant de bénéfices qui contribuent à maintenir vivants les villages, même hors saison touristique.

Des pistes pour rendre la bénichon encore plus vivante

Les initiatives locales fourmillent et méritent d’être partagées. Voici quelques idées glanées sur le terrain pour ceux qui souhaiteraient dynamiser leur propre bénichon :

À noter également : certaines communes commencent à mutualiser les moyens techniques et logistiques pour soutenir les comités jeunes, via de petites subventions, la mise à disposition de locaux ou le prêt d’équipements. Un coup de pouce bienvenu qui encourage la relève à persévérer.

Un lien durable entre passé et présent

La bénichon version 2020 et suivantes, telle qu’initiée par les jeunes générations, nous montre que les traditions locales ne sont pas figées. Bien au contraire : elles peuvent évoluer tout en restant fidèles à leur nature profonde. En valorisant l’agriculture locale, le savoir-faire culinaire et le plaisir de se retrouver, elles s’adaptent à de nouveaux enjeux, et retrouvent même un nouveau souffle.

Et si, finalement, c’était là la meilleure preuve que ces fêtes font toujours sens ? Qu’elles soient portées par des adultes, des aînés ou des jeunes à casquette en cuisine, tant qu’on mange bien, qu’on ritualise la rencontre et qu’on honore notre territoire, le lien survit — et se renforce.

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