Une carte repensée autour des saisons et du terroir
Depuis le début du mois de mai, le restaurant du Mont-d’Or, situé à quelques encablures du col éponyme, propose une nouvelle carte entièrement orientée vers une approche locavore. Une initiative qui s’inscrit dans la volonté de valoriser les circuits courts, les produits de saison et le savoir-faire des producteurs de la région. Loin des effets d’annonce, cette démarche repose sur une véritable refonte du menu, pensée dans une logique de cohérence et de goût.
À l’origine du projet : Aline et Marc Petermann, le couple de restaurateurs à la tête de l’établissement depuis 2018. « L’envie de travailler presque exclusivement avec des producteurs locaux faisait son chemin depuis un moment », raconte Aline, en salle pendant le service du midi. « La pandémie a renforcé notre conviction que l’on devait revenir à l’essentiel, à ce que la région peut nous offrir de mieux ». Et autour du Mont-d’Or, ce que la terre donne est loin d’être ordinaire.
Des producteurs engagés au cœur de l’assiette
Le nouveau menu est un hommage direct au terroir jurassien. Fromages, viandes, légumes, céréales, miel, herbes sauvages… Chacun des plats fait le pont entre l’assiette et un visage connu, un emplacement bien précis.
Parmi les producteurs emblématiques qui figurent désormais sur la carte :
- La ferme de La Douane, à Vallorbe, pour les fromages à pâte mi-dure affinés sur place.
- L’exploitation maraîchère des frères Leresche, à Ballaigues, pour les légumes et les micropousses en provenance directe des serres.
- La boucherie artisanale de M. Droz, à Premier, pour les charcuteries et viandes d’alpage issues d’élevages extensifs.
- Les ruches de Mme Blondel, à Romainmôtier, pour un miel floral utilisé notamment dans les vinaigrettes et les desserts maison.
Cette proximité géographique permet une fraîcheur optimale, mais aussi une meilleure traçabilité et un lien direct avec la réalité du terrain. « On sait d’où vient chaque ingrédient. On va parfois les cueillir ou les chercher nous-mêmes », confie Marc, le chef. « Ça nous oblige à cuisiner en fonction de ce que la nature nous donne, et non pas l’inverse. »
Une carte courte, vivante et évolutive
Fidèle à l’esprit du locavorisme, la carte propose désormais cinq entrées, cinq plats principaux et quatre desserts — un choix volontairement restreint, mais renouvelé toutes les six à huit semaines. Pas de menu figé sur l’année : l’offre suit le rythme des saisons, mais aussi celui des récoltes spécifiques en cours.
Voici quelques exemples relevés lors de notre passage début juin :
- Velouté de petits pois frais au serpolet et crème fouettée à l’ail des ours — une entrée subtile aux parfums herbacés.
- Truite de Vallorbe en papillote, accompagnée d’un écrasé de pommes de terre nouvelles et de lamelles de courgette crue.
- Épaule d’agneau confite de la ferme des Mouilles, servie avec une purée de fèves au jus réduit et des carottes fanes glacées au miel.
- Tarte rustique aux rhubarbes sur sablé de seigle, crème battue au lait cru.
Chaque plat est identifié par les noms des producteurs concernés, et une carte des fournisseurs est mise à disposition sur la table, avec même parfois une petite anecdote sur les produits. Une belle façon de reconnecter le client final à ceux qui travaillent la terre — souvent dans l’ombre, mais avec passion.
Une expérience transparente et accessible
Dans un paysage gastronomique où le mot « local » est parfois galvaudé, l’approche du restaurant du Mont-d’Or séduit par sa cohérence. Ici, pas de superlatifs inutiles ou de mise en scène excessive. Les portions sont justes, le prix reste contenu (menu entrée-plat-dessert autour de 45 CHF le midi, 58 CHF le soir), et le cadre, toujours aussi paisible qu’authentique.
La salle principale, tapissée de bois clair et de grandes fenêtres donnant sur la Dent de Vaulion, offre un décor naturel sans artifices. En été, quelques tables sont installées sur la terrasse, avec vue sur les pâturages. Le service, discret mais attentif, prolonge cette sensation d’une expérience fluide, sans chichis.
Et pour ceux qui souhaitent en apprendre davantage, Marc propose tous les premiers mardis du mois une « table du terroir », un repas commenté (sur réservation) où il explique la provenance, la transformation et la mise en valeur des ingrédients. Une initiative simple, mais fortement appréciée, notamment par la clientèle étrangère curieuse des pratiques agricoles locales.
Le pari locavore : entre contraintes et opportunités
Travailler exclusivement avec des produits locaux implique des ajustements permanents. « Par moments, on manque d’un ingrédient ou on doit revoir entièrement une recette en fonction de ce que nous livrent les producteurs », admet Marc. « Mais c’est aussi ça qui rend ce métier vivant. On ne cuisine plus dans une bulle hors-sol. »
L’équipe a par exemple dû modifier un plat de lentilles prévu initialement, après que les derniers sacs produits aient été utilisés plus vite que prévu au printemps. Résultat : adaptation rapide et substitution avec une polenta de maïs jaune localement moulu. L’ensemble reste cohérent, ancré, et — surtout — savoureux.
Cette flexibilité est désormais intégrée au quotidien du restaurant, et les retours clients sont largement positifs. « Les gens comprennent, et parfois même demandent quelles sont les nouveautés du jour », remarque Aline. « Cela crée un dialogue entre cuisine et salle, et ramène une dynamique que l’on ne trouvait pas forcément avant. »
Un modèle à suivre ?
Bien sûr, tout le monde ne peut — ni ne souhaite — calquer ce type de fonctionnement. Le pari locavore nécessite une solide connaissance des filières agricoles régionales, un réseau de confiance avec les producteurs, et une capacité d’adaptation peu compatible avec des structures plus lourdes ou standardisées.
Néanmoins, les Petermann démontrent avec constance que le local peut être à la fois viable, goûteux et porteur de sens. Et dans une époque où la restauration cherche à regagner en cohérence, ce genre d’initiatives apporte une bouffée d’air pur — au sens propre comme au figuré.
À l’approche de l’été, le restaurant prévoit déjà d’intégrer les premiers haricots verts, les groseilles du verger voisin et les premières tommes de chèvre affinées sur herbes sèches. Autant de raisons supplémentaires de planifier une halte au Mont-d’Or, assiette ouverte sur le paysage.
Et si, au fond, revenir au vrai goût des choses passait simplement par une forme de proximité retrouvée ?
